jeudi 20 novembre 2008

en toute conscience...

C'est le nom du fichier contenant une lettre que je viens de recevoir : celle d'un enseignant qui refuse publiquement et arguments à l'appui de faire le jeux des "réformes" introduites dans notre système éducatif.
Cette lettre est diffusée sur internet ; je l'ai donc reçue avec beaucoup d'autres internautes ; mais au risque d'une redite pour certains, je vous la propose ici en forme de soutien à cet enseignant et à tous ceux qui, comme lui, sont consternés, inquiets, en colère, ... devant la prise en main de notre système éducatif !
"Paulhan, le 17 novembre 2008
A M. L'Inspecteur de l'Éducation Nationale
circonscription de Lodève
Monsieur l'Inspecteur,
Je vous écris aujourd'hui pour vous faire part de mes réflexions et de mes décisions, qui m'amènent à entrer en résistance contre les multiples réformes néfastes que nous subissons aujourd'hui dans les écoles.
Depuis septembre est mise en place « l'aide personnalisée » qui se déroule à raison d'une demi-heure le matin sur mon école. La mise en place de ce dispositif sert de prétexte à la suppression des RASED.
Je suis extrêmement mal à l'aise pour expliquer aux parents de mes élèves que les faire lever tôt le matin avec quelques uns de leurs camarades, pour travailler sur quelques « points non acquis » est une bonne chose pour leur enfant. De même comment l'expliquer aux élèves, quand on sait pertinemment que mettre en place ce dispositif revient à accepter la disparition des RASED, alors qu'un grand nombre des élèves qui se trouvent dans ma classe bénéficient ou ont bénéficié des services indispensables rendus par mes collègues du RASED. Ces collègues ont reçu une formation importante pour travailler avec les enfants, mais aussi avec les parents. Ils font un travail spécifique que je ne peux prétendre remplacer en prenant « des petits groupes » tous les matins.
En toute honnêteté, je refuse de travailler cette façon. Aussi, j'ai décidé que dès la prochaine période, à la rentrée des vacances de Noël, après en avoir parlé aux parents, je prendrai ma classe entière, en deux groupes, pour travailler sur un projet (théâtre, journal, site internet de la classe...) que nous déciderons d'ici là avec l'ensemble de mes élèves.
Depuis l'an dernier, sont proposés des stages « de remise à niveau » pour les élèves de CM. Ces stages se déroulent dans un cadre de l'école pour des enfants « en difficulté ». Ils sont assurés, pour la plupart, par des enseignants payés en heures supplémentaires défiscalisées.

Deux choses:
- Cette défiscalisation participe au démantèlement des droits sociaux (en particulier sécurité sociale). Quel rapport avec mon métier ? Beaucoup de mes élèves qui connaissent des difficultés d'ordre scolaire sont aussi issus de familles qui sont en difficultés sociales. Accepter un tel dispositif revient à mettre ces familles encore plus en difficulté, avec, par exemple
le non remboursement de leurs dépenses médicales!
- sur le plan strictement pédagogique, je suis convaincu que le cadre proposé n'est pas adapté pour aider et surtout valoriser mes élèves. Au contraire, ces dispositifs participent à leur stigmatisation. Leur ressentiment compréhensible sera plutôt d'être privé d'une partie de leurs vacances car ils « ne sont pas bons ».
En toute honnêteté, je refuse de travailler de cette façon. Je ne me porte évidemment pas volontaire pour ces stages, mais je ne fournirai plus désormais les noms d'élèves susceptibles de subir ces stages de remise à niveau. Je préfère travailler (bénévolement) en lien avec les structures associées à l'école, comme la bibliothèque municipale, qui met en place gratuitement, pendant les vacances, des projets autrement plus bénéfiques aux apprentissages, et qui valorisent les enfants.
Enfin, depuis la rentrée, le « service minimum d'accueil » est appliqué. C'est un dispositif de limitation inacceptable du droit de grève des salariés, et ça le sera encore plus lorsque les décrets d'application concernant le dépôt des préavis de grève seront parus. D'autre part les élus de ma commune ont délibéré démocratiquement en Conseil Municipal, et refusent
la mise en place de ce dispositif. La commune est pour cela, comme 22 autres communes dans le département, assignée devant le Tribunal Administratif par M. le Préfet.
En toute honnêteté, je refuse de participer aux attaques contre le droit de grève. Aussi, en réponse à l'appel de mon organisation syndicale, et par solidarité avec les élus de ma commune, je n'envoie pas de déclaration « d'intention » lors des mouvements de grève. Je continue bien évidemment à prévenir le plus tôt possible les parents de mes participations aux journées de grève.
Je suis conscient des conséquences possibles pour moi de cet acte de désobéissance que je rendrai publique.
Je vous prie de croire, Monsieur l'Inspecteur, en ma détermination et à mon attachement à un service public d 'éducation qui participe à l'émancipation des élèves et qui respecte ses personnels.
Philippe Cherpentier
adjoint classe élémentaire
CE2-CM1
école G. Brassens, 34230 Paulhan
co-secrétaire départemental de SUD Education."

Et cet enseignant a été convoqué ce matin par l'inspecteur de l'Education nationale par une lettre d'une grande sécheresse :
"objet : convocation
Je vous convoque à mon bureau
mercredi 19 novembre 2008 à 9h"
Ni bonjour, ni bonsoir ! Aucune formule de politesse ! Bel exemple de courtoisie et de respect venant d'un enseignant au plus haut niveau ! Heureusement les inspecteurs ne sont pas en contact direct avec les élèves : nos enfants (et petits-enfants pour ce qui me concerne) trouvent certainement auprès de leurs enseignants -rebelles ou pas- un meilleur exemple...

A Paulhan, la municipalité discute des dispositions du service minimum d'accueil ; ce n'est pas le cas chez nous et ce n'est pas une surprise; mais on ne sait même pas comment il est mis en place ! Les conditions de sécurité sont-elles respectées ?
Combien d'enfants suivis par le RASED à Lamorlaye ? Que pensent les parents de Lamorlaye qui bénéficiaient de l'intervention-gratuite- du RASED pour leurs enfants, de sa suppression prochaine ?
Toutes ces questions mériteraient d'être posées et surtout débattues: quelque soit la "couleur" de la municipalité.

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