mardi 16 octobre 2007

gens du voyage : on en parle depuis 2004 ! Le 15 octobre, l'aire d'accueil était le sujet d'une réunion publique à Gouvieux...

Après presque un mois d'absence de ce blog, je peux me permettre 2 messages d'un coup!

Hier, M. Marchand tenait une réunion publique sur la future aire des gens du voyage : dommage je n'avais pas emporté le règlement qu'il a concocté ; je me souviens qu'il nous avait vraiment choqués : les a priori de méfiance, les précautions envisagées n'étaient pas bien sympathiques ! Je ne sais pas si ce règlement a évolué : il faudra se renseigner.
Beaucoup de monde autour de M. Marchand : président (et ministre) de la CCAC, Eric Woerth, sous-préfet (toujours intéressant mais très bavard ce soir là), procureur, gendarmerie et DDE : ces deux derniers pratiquement muets ! Dans la salle un pasteur "représentait" de fait les gens du voyage : c'est le seul qui se soit exprimé en posant des questions ou en répondant à celles de M. Marchand ! On aurait pu s'attendre à plus de représentants (les gens du voyage ne sont sans doute pas tous des ouailles de ce pasteur - fort sympathique au demeurant).
Mais cette réunion (intéressante) m'a donné envie de ressortir un petit glossaire que nous avions mis sur notre site en mars 2004 : le voici avec une introduction qui fait référence à une tribune politique de l'époque...
L'occasion de vous rappeler que de septembre 2007 à mars 2008 il n'y aura pas de tribunes politiques : nous essayerons de les remplacer par des Convergences !

Lucienne Jean

Voici ce que nous avions écrit sur les gens du voyage :

Chaque Flash aborde un thème qui nous est communiqué une dizaine de jours avant la date de remise de notre tribune politique. En général nous choisissons de tenir compte de ce thème mais d’aborder aussi un autre sujet. En février, « les gens du voyage » étaient à l’honneur.
Partant de l’idée que ce que nous connaissons fait déjà moins peur…. nous avions décidé de présenter un peu ce que sont ces gens du voyage.
Nous voulions rappeler que :
- Les « gens du voyage » sont à 90% français, mais qu’il leur faut être rattaché, sans interruption, 3 ans dans une commune pour pouvoir voter.
- Ils doivent avoir un titre de circulation soumis à visa (parfois chaque trimestre).
- Manouches, Roms ou Gitans, ils sont originaires du nord de l’Inde, sédentarisés ou itinérants ; du fait de cette origine lointaine et de ce mode de vie particulier, ils ont servi de bouc émissaire à toutes les xénophobies nationalistes européennes : 200 000 Tziganes ont été victimes des persécutions nazies…
- Ils sont en Europe depuis l’an mille mais continuent d’inquiéter (comme tout ce que nous ne comprenons pas, tout ce qui ne nous ressemble pas, et il faut aussi le dire tout ce qui ne « joue pas le jeu » de notre société … ).

En fait c’est une partie des informations données par la liste « Demain Lamorlaye » sur un ton qui nous a surpris un peu mais qui nous semble effectivement la bonne approche. Si nous avons éliminé cette présentation c’est qu’il nous semblait que l’espace prévu pour la tribune politique (260 mots auxquels nous nous contraignons pour notre part) obligeait à un certain schématisme et aussi à renoncer à un autre sujet, le (non) logement social qui nous tenait aussi à cœur. De plus, pour préparer cet article, nous avons pris contact avec une assistante sociale qui travaille depuis 10 ans à Beauvais au sein de l’A.D.A.R.S. (Association Départementale d’Accueil et de Réinsertion Sociale) auprès des gens du voyage : rendez-vous a été pris pour une rencontre le 23 février dans l’aire d’accueil des gens du voyage de Beauvais. Nous pensions que c’était encore mieux de vous parler des gens du voyage après cette rencontre.

En voici un compte-rendu qui laisse paraître notre perplexité. Car c’est plus qu’un mode de vie différent qu’il faut connaître et bien sûr accepter : c’est, très profondément, toute une philosophie de vie. Notre société, qu’elle soit conduite avec plus ou moins de souci de solidarité, est faite par et pour ce que les gens du voyage appellent les « gens de maison » ou les « gadgés » (ce qui veut dire étrangers). Elle tente d’adapter l’un à l’autre, deux mondes…

Dans la petite salle qui sert de bureau au gérant de l’aire d’accueil j’ai pu bavarder avec l’assistante sociale, avec le gérant et avec des habitants de l’aire d’accueil : une découverte intéressante mais un peu déstabilisante !
Voici un petit glossaire, très imparfait, qui dresse juste un tableau de ce que j’ai entendu et peut-être compris.Lucienne Jean

Adresse : L’adresse de l’aire d’accueil n’est pas considérée comme un domicile même avec des factures acquittées d’électricité ou d’eau ; l’assistante sociale dit que ce n’est pas normal ; pourtant c’est assez logique : l’aire d’accueil ne devrait être par définition qu’une aire de passage. La plupart des gens du voyage sont domiciliés à une adresse de l’ADARS.L’administration a tendance à les considérer comme des SDF…

Allocations familiales - RMI : C’est le revenu de base géré par les femmes de la famille

Analphabétisme : C’est un problème général dont ils semblent s’accommoder :un homme jeune (la trentaine) dit ne pas savoir lire et écrire ; ce qui ne l’a pas empêché de réussir l’examen de code de la route et d’en être fier ; ça ne semble pas non plus l’empêcher de gérer ses affaires. Il a une petite fille qui ira à l’école (cela semble important pour lui).Personne n’a essayé d’apprendre à lire et à écrire en suivant des cours d’alphabétisation : pas de temps et pas de besoin.

A priori : Les personnes avec qui j’ai parlé m’ont toutes demandé pourquoi j’étais là : j’ai répondu que je voulais essayer de mieux les comprendre car nous voulions combattre, par une meilleure connaissance entre les gens, tout ce qui fait peur et isole ; et pour cela avoir autre chose que des statistiques, des lois et des règlements…

Article : Tous semblaient attacher beaucoup d’importance à l’article que je devais écrire même s’il n’avait pas une grande audience…

Assurances : Des compagnies d’assurances refusent d’assurer un mobil home installé à un endroit : il n’est pas considéré comme vraiment mobile… En fait il est assuré s’il roule attaché à un véhicule lui-même assuré …

Autonomie : L’assistante sociale règle pour eux beaucoup de problèmes administratifs : cette aide ne leur pèse pas ; ils l’apprécient et ne sont pas gênés de ne pas régler eux-mêmes leurs problèmes (ce qu’ils semblent tout à fait capables de faire).

Les bons et les méchants : Ils existent dans chaque camp selon eux : autant chez les gens de maison (nous qui n’habitons pas en caravane de façon habituelle) que chez les gens du voyage.Il n’y aurait pas de pédophilie chez les gens du voyage ; les voleurs seraient des yougoslaves arrivés récemment (ça ne colle pas avec la très vieille réputation de voleurs de poules qui s’attache aux gens du voyage) ; jamais un manouche ne brutaliserait un enfantL’attitude des « gens de maison » est souvent méprisante : on interdit ostensiblement aux enfants de s’approcher d’une manouche.

Concubinage : On marie (le plus souvent concubinage) les filles à partir de 12 ans ! En fait on ne me donne pas d’exemple si jeune ; mais en principe c’est possible ; les deux jeunes femmes présentes sont en couple depuis 15 et 16 ans (et elles ont à peine la trentaine).

Courrier : Ils reçoivent leur courrier par l’intermédiaire de l’assistante sociale ; il n’y a pas d’autre solution car les boites postales ne sont pas reconnues par l’administration ; ça ne les gênent pas.Pour les échanges personnels, ils ne s’écrivent pas puisqu’ils ne savent pas écrire ; le moyen de communication c’est le téléphone, portable bien sûr.

Echec scolaire : Les enfants sont souvent dans une SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté). Par exemple, un garçon de 12 ans qui a vraiment l’air tout à fait déluré et intelligent est en 6ème SEGPA : il ne peut pas « tenir » une journée entière à l’école et il ne maîtrise pas les bases en lecture et écriture.En général, ils arrêtent à 16 ans et personne n’arrive au Bac.

Ecole : Les cours par correspondance sont assez souvent pratiqués, mais sans le suivi par un enseignant : c’est donc assez inefficace.Les sédentaires vont à l’école communale et même en maternelle.Les parents parlent plusieurs langues (au moins le français et le romani ou la langue manouche) ; les enfants parlent français avec leurs parents - on leur apprend le romani pour maintenir la tradition. Ce n’est donc pas une explication à l’échec scolaire.

Elections : Certains votent, d’autres pas. Ca n’a pas l’air d’être une préoccupation. Certains de leurs propos montrent une curieuse convergence avec ceux du Fn, à savoir : « les gens du voyage venant actuellement de Roumanie et de Yougoslavie prendraient le travail des français » !!! Il faut espérer que ceux qui votent n’apportent pas leurs voix à l’extrême droite qui, par ailleurs, les rejettent (idées de rejet dont ils sont les premières victimes) !

Enfants : Il y en a beaucoup : 5 à 6 par famille est un nombre courant.La vie des femmes semble tournée entièrement vers eux.Les parents ont une certaine ambition pour leurs enfants sur le plan scolaire. Mais la vie qui est la leur n’est pas propice au travail scolaire !Les enfants sont tout le temps dehors ; ils rentrent 5mn se réchauffer et ressortent.La maison qui est à l’entrée a été incendiée (on ne dit pas comment) et attend une remise en état pour devenir un centre de loisirs pour les jeunes enfants de l’aire d’accueil.

Gitans, Roms, Manouches : La différence entre les gens du voyage n’est pas ressentie par eux sur cette base « ethnique »

Habitat : Vivre en caravane est essentiel ; même si elle est immobilisée ! « Quand on sort de la caravane on est dehors » : c’est vrai aussi quand on sort d’une maison ! Ici c’est la légèreté de l’habitat, l’environnement non modifié par l’homme, qui doit compter …Une jeune femme explique qu’elle a acheté un terrain pour y planter sa caravane tout près d’ici.Une autre plus âgée, revendique la possibilité d’une maisons individuelle (elle dit qu’il y en a dans le cadre de programme d’habitat social prévu pour les RMIstes)Toutes les femmes présentes disent qu’elles ne supporteraient pas d’habiter en étage ou même en rez de chaussée d’un immeuble.

Impôts : Ils ne paient pas d’impôts locaux. Leurs ressources sont le plus souvent obtenues par des travaux saisonniers ou autres petits boulots. Ils sont aussi volontiers ferrailleurs. A cela (qui n’est sans doute pas bien déclaré) s’ajoutent le RMI et les allocations familiales : ils ne doivent pas être souvent imposables.

Papiers d’identité : Le carnet de circulation sert-il de pièce d’identité, par exemple, quand on paye par chèque ? Question sans objet : ils sont à La Poste en général et paient en espèces.Ceux qui en ont une, préfèrent présenter leur carte d’identité : le carnet de circulation stigmatise en quelque sorte. E leurs papiers ne sont pas toujours reconnus par les administrations.

Payer ou pas : Ils acceptent l’idée de payer l’électricité et l’eau mais beaucoup moins bien celle de payer leur emplacement (c’est obligatoire sur les aires d’accueil).Ils trouvent normal d’occuper un terrain sans autorisation et sans loyer.S’ils ne demandent pas l’autorisation au maire pour s’installer c’est que la plupart du temps c’est un refus qui leur est opposé ; et, disent-ils, il faut bien qu’ils s’arrêtent quelque part …

Prêts : Bien que souvent au RMI, ils ont des prêts pour acheter leurs caravanes (surprenant).

Promiscuité : Chaque emplacement a une surface de 32m2 et la promiscuité pèse à tous. Quand l’une lave sa caravane et son emplacement, l’eau et les saletés se retrouvent sous les caravanes des voisins.Mais à l’intérieur d’une famille, il y a une caravane pour les parents et une pour les enfants : avec séparation des filles et des garçons.

Roulotte : Une caravane coûte cher ; mais une vraie roulotte à l’ancienne, tirée par des chevaux, coûte encore plus ! Mais il y a en a pourtant de plus en plus.

Sédentarisation : La zone d’accueil offre une quarantaine d’emplacement. 35 sont occupés dont 30 par des sédentaires qui ne se déplacent que pendant les vacances scolaires. Une dame dit être « installée » à Beauvais depuis 40 ans !

Solidarité : On ne veut pas de service commun comme une laverie : chacun a sa machine à laver et son séchoir dans la caravane. Mais la famille élargie est très forte : chacun a le sentiment d’appartenir à une communauté où tout le monde se connaît, partage les soucis de l’autre (souvent de la famille), l’aide…

Travail des femmes : Envisagent-elles de travailler à l’extérieur ? Non ! Assez à faire avec le ménage, la cuisine, les enfantsLa propreté semble un grand objectif et occupe beaucoup de leur temps : il est paraît-il plus difficile de tenir propre une caravane qu’une maison.Une jeune fille qui aurait pu préparer un brevet de coiffure, y a vite renoncé : c’est mal vu de continuer.

Travail des hommes : Quand ils travaillent c’est dans la récupération de métaux, le jardinage, l’entretien de toitures, le paillage de chaises. Ils sont alors comme des artisans itinérants. Et ils sont « enregistrés ». Souvent, l’argent gagné ne rentre pas dans le budget familial. La récolte de l’osier est maintenant interdite : ce travail traditionnel a donc disparu.Il y a aussi une tradition ancienne de cirque qui se perd : les grands-parents des personnes rencontrées étaient « circasiens » (Cirque Violet - Cirque Angel).

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