mardi 3 juillet 2012

Lucienne Jean : mais que dirait Ferré ?


Oui ! Que dirait-il, lui qui gueulait si bien "Poètes ! Vos papiers" : peut-être "Mamans ! Vos papiers !" ? Ou " Papas ! Vos papiers" ? Ou "Gamins ! Vos papiers ! " ? ...
Car les expulsions de sans papiers continuent... Il n'y a pas, sur ce point, un avant et un après 6 mai...
Le site de Réseau Education Sans Frontières (RESF) déborde d'appels en urgence ; et les messages arrivent toujours nombreux pour nous demander de protester contre des décisions d'OQTF (Obligation à Quitter le Territoire Français) ! 
Je n'écris pas toujours pour relayer la protestation, l'indignation et même la colère dont je suis pourtant solidaire. Mais je le fais parfois : à tous les destinataires indiqués par RESF ou à quelques uns...
Ma toute dernière "protestation", envoyée aujourd'hui, était destinée au seul premier ministre puisque maintenant c'est lui qui gouverne ! Mon message va, j'en suis sûre, s'ajouter à une avalanche de courriels de la même eau... 
Le voici et je mets à la suite le message déclencheur de RESF.
-----

Monsieur le Premier Ministre (ou sans doute quelqu'un chargé de lire à votre place ce message),
Pendant des années j'ai reçu des appels au secours d'associations mobilisées (comme RESF) pour la défense des sans-papiers. J'ai souvent suivi leurs conseils et envoyé des mails aux différents secrétaires, préfets, ministres, qui décidaient de l'expulsion de gens dits "sans papiers".
Et je pensais vraiment qu'il s'agissait d'une politique de la Droite consistant à donner des gages à une partie de l'électorat : un électorat facilement xénophobe et qui voit dans "l'étranger" la cause de l'insécurité, du chômage, et peut-être même du réchauffement climatique...
Et je croyais vraiment que la vraie solution était ailleurs ; qu'avec la Gauche au pouvoir , une certaine idée de l'Homme, l'humanisme, le sens de la fraternité entre tous les hommes, allaient enfin devenir le fil conducteur de la politique...
Mais en recevant depuis le 6 mai, tant d'appels au secours pour des gens menacés "par nous" d'expulsion je suis vraiment mal à l'aise : ce n'est pas pour ça que nous avons donné le pouvoir à la Gauche !
Je sais bien que les lois votées par la droite doivent être modifiées et que cela prend du temps...
Mais on peut tout de même décider d'attendre la nouvelle loi pour agir ensuite sur des bases qui auront été votées par les députés que nous avons élus ! Aujourd'hui le gouvernement de François Hollande donne l'impression de "profiter" tant qu'il le peut des lois du gouvernement de Nicolas Sarkozy : ce n'est pas intellectuellement honnête vis à vis des électeurs qui vous ont donné le pouvoir.
Et les sans-papiers sont encore plus désemparés de se retrouver la cible d'un gouvernement dont ils attendaient beaucoup !
Je vous écris pour la famille BAGUEIV de Brest, pour la famille FOFANA de Metz, pour NAIMA de Chalons...
Je vous écris aussi, en retard ou en avance, pour tous les autres qui sont arrivés en France sans papiers mais avec tant de raisons de fuir leur pays et tant d'espoir en nous !
Avec mes salutations très respectueuses et toujours l'envie que vous arriviez à nous rendre tous fiers de la Gauche au pouvoir !
Lucienne JEAN - conseillère municipale de Lamorlaye (une ville où représenter la Gauche relève de l'apostolat)
------
Message de RESF du 2 juillet
Trois histoires, trois drames engendrés par des lois et des pratiques insupportables qui doivent changer, et vite. Et qui, si elles ne peuvent pas être modifiées en quelques jours, doivent, dès maintenant, cesser de s’appliquer. Un moratoire sur les expulsions s’impose, immédiatement. L’odieux n’est pas plus acceptable sous Hollande qu’il ne l’était sous Sarkozy. Le changement, c’est maintenant ! Pour le faire savoir :
SOUS HOLLANDE AUSSI, ON CACHE DES ENFANTS !
Fin de semaine dernière, coup de téléphone de Brest : on nous informe que des parents d’élèves d’une école de la ville aidés par les membres de l’association Casss-Papiers cachent une famille Tchétchène qui a été informée de sa prochaine expulsion vers la Pologne, étape vers un retour en Tchétchénie. Or la famille Bagueiv y est très menacée
. Le père et une sœur de M. Bagueiv ont été assassinés en mai 1997, deux de ses frères ont disparu. Lui-même a été kidnappé par la police qui a exigé qu’il donne des informations sous peine de mort.
La dépêche de l’APF ci-dessous dit la suite.
BREST, 19 juin 2012 (AFP) - Une famille russe d'origine tchétchène, avec trois enfants, est cachée depuis samedi dans le Finistère par un réseau de bénévoles, pour échapper à la rétention administrative et à l'expulsion.
Au début du week-end, les membres de Casss-papiers (collectif action, soutien et de solidarité avec les sans-papiers) une association brestoise créée en 2001 qui s'oppose à l'expulsion d'immigrés, ont appris par leur réseau que la famille Bagueiv et ses trois enfants devaient être interpellés.
Depuis, l'association et les parents d'élèves du groupe scolaire des enfants tiennent tête à la décision administrative qui devait placer lundi la famille russe et les enfants dans au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot en Seine-et-Marne.
"Nous sommes en infraction, mais c'est dans un but humanitaire. On ne peut pas laisser faire ça", affirme la présidente de l'association des parents d'élèves de l'école Anne Bussière, décidée à venir en aide aux ressortissants russes.
"S'ils sont repris, ils seront envoyés en Pologne (pays par lequel la famille est arrivée en France en janvier 2012). De là, ils seront expulsés vers la Tchétchénie", s'inquiète le porte-parole de Casss-papiers Olivier Cuzon. Avant d'évoquer les risques encourus par le père de famille pour son engagement politique dans son pays d'origine.
Depuis le week-end dernier, des bénévoles de Casss-Papiers et des parents d'élèves mobilisés pour cette cause, hébergent discrètement, le père d'un côté, la mère de famille Diana et ses trois enfants d'un autre, dans des lieux tenus secrets.
Marie, une mère de quatre enfants, a reçu Diana dans son petit appartement à deux pas du centre de Brest, en attendant qu'une stratégie se mette en place. Le père qui a trouvé refuge ailleurs n'a pas donné signe de vie depuis samedi. Discrétion oblige.
Dimanche, un volontaire a mis un confortable appartement à Brest à disposition de la mère et de ses trois enfants. Bien mieux que l'EtapHôtel de Plougastel à quelques kilomètres de Brest, où la famille était logée par les services de l'Etat.
Mardi, Marie a lavé le linge sale et l'a repassé. Un autre volontaire du réseau est venu récupérer les vêtements. Diana et ses trois enfants doivent être relogés avant la fin de la semaine dans un autre lieu, en toute discrétion.
"Pour moi, c'est normal, on n'a pas le droit de traiter les gens comme ça. Ca me rappelle les heures noires de notre histoire", s'indigne Marie, qui vient d'une famille de résistants.
Dimanche soir, une centaine de personnes ont manifesté pour soutenir la famille devant l'école des enfants.
Ainsi, on en est là, sept semaines après l’élection de François Hollande : des parents d’élèves, des enseignants, des gens comme tout le monde, dont un bon nombre sans doute ont voté pour le président « normal » cachent une famille pour la faire échapper à la police de Monsieur Valls ! Sous Sarkozy, le fait n’était pas si rare. En 2006, à Brest déjà, Patimat et sa mère avaient été cachées 105 jours pour n’être pas expulsées vers le Daghestan. On ne pensait pas que de tels événements devraient se répéter sous Hollande !
Pour que s’arrête la machine à fabriquer des orphelins
Aboubacar FOFANA est Ivoirien, il vit en France depuis février 2008. Il est le père de Massandje, deux ans, dont il s’occupe et pour laquelle il verse une pension alimentaire. Il vit actuellement avec une jeune femme, française, enceinte de 6 mois d’un enfant dont il est le père.
Pourtant, Aboubacar FOFANA est actuellement au centre de rétention administratif de Metz et risque d’être expulsé. Ce père, de bientôt deux enfants dont celui à venir sera français, a toute sa place ici. Nous ne pouvons admettre que, pour une question de papiers, l’état français laisse ces enfants privés de leur père.
Quoi qu’il arrive, ces enfants resteront ici et ils ont besoin de leur père. Au nom de l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui dispose que « Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré »,nous vous demandons d’intervenir pour que ce père de famille soit libéré et qu’il obtienne une carte de séjour avec mention « vie privée et familiale ».
Raphaël BARTOLT préfet de Meurthe et Moselle
Pouvons-nous accepter qu’en France la loi contraigne une femme chassée de chez elle par son mari à l’opprobre et à la misère ? C’est aujourd'hui ce qui arrive à Naïma.
Dernière heure : Naïma a passé un jour et demi dans le coma après une tentative de suicide.
Mariée en Algérie en 2008, Naïma arrive en France en mars 2009 pour vivre chez son mari de nationalité française. Elle obtient alors une carte de séjour temporaire.
Mais son mari la met à la porte du domicile conjugal le 26 décembre 2009. En décembre 2010 elle obtient une séparation de corps demandée en janvier. Elle sollicite aussi un nouveau titre de séjour en juin 2010. Son récépissé est renouvelé jusqu’en avril 2011, date à laquelle elle reçoit une première Obligation à Quitter le Territoire Français (OQTF), qui sera annulée par le tribunal administratif en août 2011, pour vice de forme. Mais la Préfecture gagne en appel fin mars 2012.
Entre temps, Naïma a entrepris de nombreuses démarches pour être autonome et s’intégrer chez nous. Jusqu’à récemment, elle travaillait, et préparait en parallèle le concours d’entrée à l’école d’aide-soignant.
Mais voilà : le Code d’Entrée et de Séjour des Etrangers et Demandeurs d’Asile (CESEDA), celui dont M. Hollande a promis la révision mais qui s’applique toujours, organise l’expulsion de tout conjoint qui ne vit plus au domicile conjugal ; Naïma reçoit donc une nouvelle OQTF fin mars 2012 …
Dernière heure :
Mail reçu samedi :

A 13h chez elle aujourd'hui, Naïma, au sujet de laquelle nous avons posté quelques messages ici-même, a absorbé 80 cachets de l’antidépresseur qu’elle prenait habituellement.

Après avoir été prise en charge sur place par les pompiers et le SAMU, appelés par une voisine chez laquelle elle était venue s’effondrer, elle a été transportée à l’Hôpital de Chalon Sur Saône au Service des Urgences. Suite à des convulsions cérébrales, elle a été mise en coma artificiel. Elle y est restée un jour et demi. Comme la place manque en Service de Réanimation, elle doit être transportée dans la soirée à l’Hôpital de Mâcon.

Nous vous tiendrons informés de son état de santé.

Bien évidemment, il n’y aura pas de pointage au commissariat dans les jours qui viennent. Rappelons que jeudi dernier elle a reçu une assignation à résidence, prologue à une expulsion programmée vers l'Algérie.

Nos pensées l’accompagnent.

Comité de Soutien à Hassania et Naïma - RESF Chalon

Aucun commentaire: