mercredi 26 juin 2013

Lucien Vial et Jean-Luc Dewez : autour du Convergences N°35

Ce message est un complément au message précédet !
Convergences est à chaque fois écrit à plusieurs mains et lu et relu avant tirage ; en cours de route, il fait l'objet de discussions ou de questionnements entre nous. Parfois ces interventions deviennent à leur tour un morceau du Convergences.
Pour celui-ci, nous avons hésité un moment à conserver le début de l'éditorial, inspiré par des conseils de rédaction entendu dans une réunion. 
Voici un commentaire de Lucien Vial :
A propos de l'édito, on peut poser la question : pourquoi les gens ne veulent-ils pas lire ? Ce n’est pas le prix d’achat de Convergences qui les rebute puisque les gratuits font succès sur le territoire. Ce n’est pas non plus un rejet signifié par un triage opéré sur une classe d’âge, une condition sociale ou encore sur une opinion.

Cette non-attitude a grandi avec l’aggravation de la crise, révélée à partir de 2008 par le pouvoir politique en place et par l’accompagnement complice de la plupart des médias notamment les gratuits.

Où nous sommes trompés (ça prend avec trop de citoyens) c’est que la crise polarise la réalité détournant l’ampleur des dégâts engendrés par le système. Faute de changer celui-ci, c’est plus d’électeurs qui opteront pour les solutions de repli préconisées par l’extrême droite.

Aujourd’hui, nous n’en sommes plus aux prémices...
Lucien Vial

La citation que nous avons choisi est certes, un peu longue, mais elle est tellement bien adaptée à ce qui se passe à Lamorlaye que nous ne voulions pas y renoncer. Par contre, on avait envisagé de la couper... Et un doute planait sur le véritable auteur de cet extrait. Jean-Luc Dewez, professeur honoraire, a fait le point et nous a aidé à trancher : vous avez donc droit au texte entier ; il aurait aimé le voir en vieux français mais nous avons jugé plus simple de le moderniser. Voici ses explications :
La citation est bien d'Amyot, le grand helléniste de la Renaissance (Montaigne parlait couramment le latin, mais ne pratiquait pas le grec, et pour citer des auteurs hellénophones comme Plutarque, passait par des traductions latines, ou ... citait Amyot).
Rappel de la citation envisagée :
– Texte de Plutarque (début IIsiècle) :
" αὐτὸς δὲ τῇ πόλει παρακάθηται, στάσεις ἀγωνοθετῶν ἐν ταῖς παραγγελίαις καὶ θορύβους μηχανώμενος, ἐξ ὧν οὐ λέληθε δι´ ἀναρχίας μοναρχίαν ἑαυτῷ μνηστευόμενος."
– Traduction d’Amyot (XVIe siècle)
pendant qu’il demoure icy a nourrir des séditions en la ville, et à susciter et entretenir des troubles es eslections des magistrats, bastissant par tel artifice les moyens de mettre la chose publicque en telle confusion, qu’on soit contrainct de luy donner et déférer puissance soubveraine.
– Traduction du XIX(Pierron)
lui, il reste dans la ville, pour y diriger les séditions dans les comices, comme on présiderait à des jeux publics, et pour machiner des troubles ; et il est évident que Pompée veut se préparer, par l’anarchie, les voies à la monarchie.

Le contexte : nous sommes en -54 ; à 41 ans, Caton est élu préteur (le plus haut rang de la magistrature romaine après le consulat, qu’il n’obtiendra toutefois pas par la suite). Avec beaucoup de courage, il dénonce les agissements tant de César que de Pompée (le troisième larron, Crassus, parti s’enrichir en Syrie, est éliminé par les Parthes en -53).
Il choisira ensuite par défaut le camp de Pompée pendant la guerre civile entre César et Pompée, et se suicidera à Utique après la victoire finale des armées de César en Afrique, en -46.

Dans ce passage, c’est bien Pompée qui est visé, explicitement,  et par des propos publics que Plutarque reproduit au style direct : ses agissements ne sont pas moins condamnables que ceux de César (dénoncé dans les lignes qui précèdent) aux yeux d’un républicain intègre comme Caton : Pompée reste à Rome, et « magouille » dans toutes les assemblées (les « comices »), qu’il s’arrange pour transformer en « jeux publics », c’est-à-dire en spectacles, (farces ou pugilats,) et apparaître comme l’homme indispensable à une redéfinition monarchique de l’état, plus que César occupé à guerroyer en Gaule.

La traduction d’Amyot a beaucoup de charme, même si celle de Pierron est beaucoup plus précise, littérale et fidèle. Au passage, ma traduction personnelle (nostalgie d’Hypokhâgne oblige), après avoir ressorti mon vieux Bailly :
Celui-ci (Pompée), embusqué à Rome, orchestre des incidents dans les assemblées et manigance des désordres : il ne cache pas ses manœuvres pour parvenir par l’anarchie au pouvoir personnel.

Je suggère de reprendre le traduction d'Amyot, la plus savoureuse, – et  en maintenant le passage sur l'élection des magistrats ! – , mais de l'accompagner de la mention, sans "d'après" :"Plutarque, Vie de Caton le Jeune (traduction d'Amyot)", et de supprimer la mention inadaptée d'une guerre entre César et Pompée, qui n'était pas encore déclenchée à cette date.

Jean-Luc Dewez


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