lundi 18 février 2008

Peut-on instrumenter la Shoah ? Et les enfants ? Ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui ?

Le mercredi 13 février 2008 restera un grand moment dans l'histoire de la France selon Sarkozy ! Notre président assiste à un dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) : il parait que ce n'est pas l'habitude ; mais il y est et il parle ! Je le cite d'après un article lu sur le site d'Europe 1 : "J'ai demandé au gouvernement, et plus particulièrement au ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d'un des 11.000 enfants français victimes de la Shoah"... 11000 enfants français !!! Mais il y aurait eu 14000 enfants victimes partis de France ! Ce distinguo subtil entre les enfants français et les autres, pour écoeurant qu’il soit, n’a pas de quoi étonner de la part de notre ex-ministre de l'intérieur, expert dans la chasse de l'étranger sans papiers, et du président créateur d’un « ministère de l’émigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement » ! Voici la réaction d’un de ces « étrangers », aujourd’hui français et qui aurait pu être, comme sa cousine, un disparu de la Shoah «non objet de mémoire » :

Chers amis,

Je suis d'origine juive mais athée.
Né en France en 1934, j'ai été naturalisé français en 1935,mais ma nationalité française m'a été retirée en 1941 par l'effet des lois antijuives de Vichy. En effet mes quatre grands parents ainsi que mes parents étaient juifs polonais ou apatrides. Il en résulte que si j'avais été déporté je n'aurais pas été un enfant français victime de la Shoah. Mon jeune frère non plus,qui né en 1940,n'avait pas eu la chance d'être naturalisé. Par une sorte de miracle, et grâce à la solidarité d'habitants du quartier du Père La Chaise (20ème arrondissement de Paris où nous avons vécu cachés pendant la majeure partie de l'occupation) ni ma mère (qui devint française par naturalisation en 1947) ni mon frère (qui devint français à la suite de naturalisation de ma mère) ni moi n'avons été raflés, arrêtés et déportés.
Mon père n'a pas eu cette chance,qui bien qu'ancien combattant engagé volontaire dans la légion étrangère pour la durée de la guerre,fut arrêté,interné à Drancy .Il est mort avant d'être déporté en Décembre 1941 des suites des mauvais traitements infligés aux internés du camp de transit de Drancy.
Ma cousine germaine Jacqueline PAWLOWSKI, n'a pas eu notre chance. Arrêtée à Vibraye (Sarthe) en 1942, âgée de 10 ans,en même temps que sa mère,elle a été internée à Drancy puis déportée à Auschwitz,où comme on nous l'a rapporté,après la Libération,elle fut gazée et brûlée dès son arrivée au camp. Elle n'avait jamais été naturalisée,et bien que née en France ( à Hayange,Moselle) n'a jamais été Française.
Ainsi que ce bref résumé le démontre aucun des enfants de la famille,ni ma cousine Jacqueline,ni mon frère ,ni moi n'appartenons à la catégorie des enfants français victimes de la Shoah,que le Président Sarkosy vient de créer,sans doute pour éviter de froisser ceux de ses partisans antisémites pour qui existaient des enfants français innocents victimes de l'Holocauste,et des enfants juifs étrangers donc coupables
qui ne méritent pas que leur mémoire soit honorée!
Je ne suis pas convaincu qu'il soit judicieux de faire honorer la mémoire d'enfants assassinés par les nazis, avec la complicité active des séides du régime de Vichy, par des enfants de CM2.Mais je suis scandalisé par le fait que le Président ait pu ériger deux catégories d'enfants juifs victimes de la Shoah, et encore plus par le fait que personne n'ait, à ma connaissance, protesté publiquement contre cette horreur.
Je vous remercie à l'avance de ce que vous pourrez faire pour que ma protestation soit entendue du Président, de tous ceux qui étaient présents à cette réunion du CRIF où il s'est exprimé et de tous ceux qui se sont tus ou ont approuvé son discours dont notamment Serge Klarsfeld.
Amicalement votre

Marcel JOZEFOWICZ,
Fils de déporté, Pupille de la Nation
Professeur Hors Classe des Universités, en retraite
Président Honoraire de l'Université Paris 13

Il y a beaucoup à dire sur ‘l’idée’ de M. Sarkozy ! Mais après ce témoignage, c’est difficile ! En vrac, tout de même :
- je n’ose penser que mon petit fils pourrait dans 3 ans être réquisitionné pour un devoir de mémoire qui soit lui échappera complètement (quelle tristesse !), soit l’écrasera ( quel gâchis !)… Et que dire si l’enfant dépositaire connaît déjà dans sa famille le drame de la Shoah ! Dont on a sans doute essayé de le protéger ! Où si au contraire c’est à un drame d’aujourd’hui qu’il est déjà confronté ? Y aura-t-il un tableau d’honneur du devoir de mémoire ?
- Que penser aussi de la volte-face de Madame Weil ! Qui donc lui a fait la leçon ? En quoi le fait d’associer un enfant à une classe ferait-il de cette aberration médiatico-politicienne une bonne idée ?

Le 20 décembre dernier, Nicolas Sarkozy avait déclaré que "dans la transmission et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur" ; c’était à la basilique Saint-Jean de Latran à Rome.

Décidément, les lieux où la religion est très présente lui inspirent des idées bien inquiétantes !
La laïcité est un des principes fondateurs de la République.
M. Sarkozy devrait se souvenir qu’il est, par la volonté de ses électeurs (ils commencent semble-t-il, à le regretter), président de cette République !

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